Je trouve ce poème, du poète soudanais Hassan Yacine, au fil d'une lecture dont j'ai déjà parlé ici, " Entre accueil et rejet, ce que les villes font au migrant ".
Une pépite dans un endroit inattendu, un essai sociologique, entre deux chapitres. Malheureusement ce livre est manquant chez l'éditeur, quelques libraires l'ont, il faut bien chercher.
Michel Agier (BABELS) l'a publié dans la revue tumulte, téléchargeable à cette adresse
https://www.cairn.info/revue-tumultes-2018-2-page-125.htm
En voici une partie :
Je suis une malédiction
Je suis la malédiction incarnée
Suspendu à ma corde secrète
Attaché à l'utérus du ciel
J'entends les cris du vents et les pleurs aux alentours
Je parle aux fleurs autour de moi et j'admire le chant des murs
Ces murs de l'isolement infini
Et la peur mon amie secrète
Rien ne me donne le sentiment de sécurité
Vous les passants face à moi
Ne demandez pas la miséricorde en mon nom
Comme pour un pécheur en attente du pardon
Détournez le regard
N'ayez pas pitié de moi
Donnez-moi un sac noir
Pour que j'y rassemble ma désolation
Ma défaite et mon anéantissement
Pour pouvoir le mâcher et l'avaler
Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés
Je suis une charogne qui empuantit votre air
Jusqu'à vous faire détester vos corps élancés
Parfumés d'essences florales de Paris
Je vous inspire la haine de la race humaine
Mes semblables désarticulés
Ceux qui ont subi les horreurs de la guerre
Je suis une charogne où demeurent les vers
Je ne serai ni leur dernier rêve, ni leur dernière demeure
Ni ce qui reste de leur souvenir,
J'ignore le dernier jour de ma mort
Laissez-moi reprendre souffle
Fermer les yeux pour me retrouver au paradis
Je n'ai envie de rien
Rien ne me séduit plus
Même pas le baiser de l'enfant que j'aurais pu avoir
Ni la jouissance au moment de sa conception
Ni la pénétration d'une partie de moi
Dans les vagins, berceau de mes espoirs incertains
Priez pour que mon heure arrive vite
Le moindre regard vers moi ne vous inspire que dégoût
Laissez-moi quitter votre monde d'artifices
Où je n'existe pas
Je suis un anonyme sans identité, sans papiers
Un tas de détritus face à vos portes
Je m'abandonne entre vie et mort
Puisse Dieu me faire ange ou démon, qu'importe
Que ma mort soit subite
Si seulement les fleurs pouvaient pousser sur mon coeur
Parfumaient les poumons et ornaient les vers
Alors les battements de mon coeur partageraient la nostalgie du chant des cloches
Vos prières enveloppent ma peur
Mais je ne mérite pas le nom de corps
Parce que c'est mon cadavre pourri qui vous observe...
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