Lecture
Beaucoup de projets ont changé
Proposition d'exercice : écrivez la 4ème de couverture de votre livre
Textes, notes et dessins de Marc-Emmanuel Soriano. Penser ici, émettre. Mes zones nerveuses : la construction du monde, l'affrontement des idées, les raisons d'espérer, le combat par l'intelligence, les vibrations de chair, la musique, l'écriture, la rencontre. Bribes de MA VIE intérieure et extérieure
Lecture
Beaucoup de projets ont changé
Proposition d'exercice : écrivez la 4ème de couverture de votre livre
La langue, votre langue, la tienne.
Celles que vous parlez mais qui n'est pas exactement celle des autres. Ecrire votre langue ce n'est pas forcément écrire, c'est parler. C'est-à-dire ? Être en contact avec vous-mêmes ou plutôt mettre en contact ce que vous imaginez, sentez, voyez avec la coeur et la main. Voir et entendre. Parler en écrivant. Votre langue c'est ce qui fait que votre texte parle. Ça ne s'apprend pas, votre langue ne s'apprend pas, vous pouvez juste apprendre à la reconnaître quand elle vient sur vos lèvres. L'inspiration.
Prenez une image qui vient, partez de votre fiction, c'est à dire des paysages, lieux, situation qu'elle convoque. Faites parler cette image, ou cette idée, deux concepts qui peuvent être proches.
Une nouvelle venue, une deuxième Elisabeth
Chacun expose son idée
Annick veut raconter l'histoire d'un livreur radicalisé. Par quelles étapes passent-il ?
Danielle : une correspondance par écrans entre 4 personnages. Que deviennent les relations amoureuses par réseau interposé. L'art c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art.
Valérie : La cheville et le trou. De quel bois est fait l'humain ? La scie a détrôné la hâche.
Elisabeth II : raconter la montagne, la grimpe. Raconter une lente dégradation des sommets. Elisabeth a passé 42 ans dans le refuge de Chamonix
Vincent : ça se siture au moment d'une éclipse solaire. Temps suspendu. Retrouver les mots. Qu'est-ce qui a provoqué cette dislocation ? Le protagoniste veut rencontrer l'homme qui a écrit ces lettre rouges sur les murs. Apocalyptique ? Prophétique ?
Jean-Paul : Manifeste pour une fin du monde honorable
Régina : un écrit documentaire sur la vie en prison
Lune : l'histoire d'un homme vivant dans une solitude totale
Elisabeth : écrire un long slam. " Le casque et le masque " Se montrer en se cachant
Laurence : écrire une ode à l'existence par les yeux d'un enfant.
Bienvenue à Lune, Jean-Paul, Danielle, Valérie, Régina, Sophie, Vincent, Elisabeth, Annick, Laurence...Autant de planètes, d'âges, de parcours. Un groupe plein d'envies.
Je pose au départ l'idée d'une production de textes au long cours, de véritables projets de livres, dans le genre qu'ils veulent et autour d'une intention propre. J'insiste sur la nécessité de savoir ce que l'on veut dire, la pensée, l'intention. L'idée est de commencer par là : qu'est-ce qui m'anime pour écrire telle histoire plutôt que telle autre.
Annick me demande d'expliquer la thématique " Entrer dans l'Histoire ". Je réponds que quoiqu'on écrive, on " refait l'histoire". Écrire c'est refaire l'histoire. La sienne, ou celles des hommes sur la terre. Ma thématique est là pour dire qu'écrire ce sera ici "fictionner", si possible en incluant une réflexion, un regard explicite sur la situation générale. Parler du monde.
Je parle de la question de ma carte blanche " Consentons-nous à disparaître ? " qui intéresse apparemment.
Chacune-chacun propose une idée de texte.
La dictature sanitaire est là. Il va falloir y passer. On n'a pas le choix, ils sont plus forts que nous. Nous avons été vaincus. Ils détruisent méthodiquement tout ce que nous avons arraché à l'oppression, les institutions sociales collectives. Les seules collectivités qui les intéressent sont les collaborateurs, ceux qui collaborent à la richesse de quelques uns. À condition qu'ils ne s'organisent pas pour autre chose que la prospérité des chefs. Le marché du travail a été flexibilisé et continue de l'être, les prestations sociales diminuées, la baisse du niveau de vie programmée et en bonne voie. Voilà qu'ils s'attaquent à nos corps, nous devons nous injecter le produit de leur politique de destruction de l'hôpital public, nous devons mettre dans nos cellules les milliards dont se goinfrent les marchés financiers, nous devons être en urgence les cobayes d'un marketing planétaire, nous devons servir de test au premier pilotage biologique de l'humanité à échelle mondiale, nous devons nous soumettre au contrôle social généralisé qui doit s'assurer que chacun d'entre nous est soumis à ce diktat. Tu dois accepter le contrôle et la surveillance intégrale de ton existence afin que les rouages du marché puissent continuer à tourner
Dernier jour
Crois-tu
Je vais continuer sans toi
Je garde au coeur ta beauté
Qui n'est pas seulement ta beauté
Mais l'envie d'être
De continuer à humer l'aube sereine et chaude des journées brûlantes
À marcher sous l'orage
Et toi quelque part
Partout
Dessinée sous l'horizon
Qui pèse ce matin sur ton crâne ?
Qui t'encombre ?
Tu voudrais commencer à vivre
Le café coule
Les arbres muets derrière la vitre
Se balancent
Hier encore deux représentations du Manuscrit des chiens III avec Mathieu Desfemmes et Laura Zauner dans une école de Grigny II, dans une petite salle annexe de l'Ecole Jean Perrin. Formidable écoute des CM1 et CM2, la poétique de Jon Fosse, cette vie de chien racontée avec humanité, tendresse, humour, ce combat, au fond, d'un être vivant pour préserver sa place au sein d'un microcosme, a visiblement embarqué les enfants. Le théâtre est une magnifique école du langage, une école des signes. Quoi de plus essentiel pour l'émancipation ? La langue, ici une traduction du norvégien, est l'instrument d'un système de signe plus large (les corps, les voix, l'espace) et elle est ainsi mise au service de l'imaginaire et de la pensée. Elle n'enferme pas dans des représentations toutes faites, dans une réalité idéologiquement préparée. Sans elle, comment respirer ? Comment imaginer la possibilité d'une communication, d'un partage, qui ne soit pas un dressage, donc une école de la violence ? Le théâtre ça sert à ça. Emotions et protocoles compassionnels se vendent aujourd'hui à la tonne dans l'information et l'industrie du diverstissement (qui ont pratiquement fusionné), mais dissociées de toute pensée critique, de toute mise à nu de leurs fabrications. De la pâtée pour chien, justement !
Juin toi vivante
Derniers instants
Vivre n'est rien d'autre
Une fin imminente
Avant l'irréparable
Caresse du vent par la fenêtre ouverte
Sur le toit une tourterelle roucoule
Deux croches une noire infiniment répétées
Berceuse d'ennui
Musique de l'absence
Je n'avais rien d'autre entre les doigts que les doigts de l'autre rive pour que coule le fleuve de vivre
Reste là ne bouge pas
Tombe si tu dois
N'offre rien
Habille-toi de mon parfum
Roule-toi sur le talus
Dévale dévale toujours
Emporte
Tu remonteras bien assez tôt
Qui t'empêche
Toi
Trouve la porte
Si la joie ne fait pas le tour de toi
Abandonne
Les cerises t'attendent là-haut
Regarde les danser
Au bout de ces rameaux
Tu veux juste arpenter
D'anonymes rues
Remonter des avenues désertes
Marcher sous le soleil goudronné
Me remplir de ton absence
J'ai retrouvé les routes d'Essonne
Vigneux la maudite
Où se planque la misère
Dit-on
Bientôt le vallon de Breuillet
Où tu commenças à couler dans veines
Toi toi toi
Avance malgré l'orage
Attention aux branches qui volent
Il fait noir à midie
Tu pourrais finir là
N'oublie pas que tu es une feuille
Détachée volante
Dans Juin
Tu ne sembles pas là
Ciel gris blanc
Seules frissonnent-elles là-haut
Les feuille des cimes
Même pas une petite pluie de larmes
J'espère que tu t'ennuies de moi
Derrière la vitre
Dans une maison quelconque
Au bord d'une route
Si simple le baiser
C'est toi qui m'appris d'autres lèvres
Toi qui m'appris à mettre ma langue dans ta langue
À mettre la chair dans l'âme
Tu n'es pas encore partie
Qu'attends-tu pour sortir de mon ventricule gauche ?
Tu te ballades encore dans mon ventre
Douce pliure
Indéfaisable noeud
Pluie, soleil, pluie. Tellement de belles choses un peu partout, comme cette devanture de roses, ce trottoir couvert de pétales. Un peu plus loin, un homme en tenue de camouflage a retrouvé son endroit. Retour du front quotidien. Il dort comme un enfant, veillé par des jouets en vitrine.
Magnifique groupe aujourd'hui, une première séance formidable. Beaucoup d'appétit, d'envie de se raconter. Beaucoup d'attention. Des personnes engagées auprès de leurs semblables, professeurs ayant travaillé aux périphéries, passionnées de théâtre, défenseurs des droits, des égalités, de l'économie sociale, réparatrices de handicap, etc. La proposition d'aujourd'hui d'une photographie en mot à partir d'un lieu urbain qui ne soit pas une adresse, où se retrouve trois personnages, a donné un album visuel et sonore très prometteur. Chaque fois on aurait dit le début d'un livre.
J'ai proposé au groupe une " brève exploration d'une ville inconnue" : la mission était de revenir avec des traces en image et en son, recueillis pendant une libre pérégrination individuelle dans le quartier.
Retrouvailles pour ma part au détour d'une rue avec le TAPS, salle de la Laiterie toute proche où voici 6 ans mon texte " Un qui veut traverser " était lus, mis en espace (proposition scénographique) accompagnée de dégustation de croque-en-bouche spécialement préparés! Grand souvenir de rencontre avec Ronan Chéneau, Olivier Sylvestre, Julie Rosselot-Rocher et Simon Diard.
Safari littéraire ( avec des photos) dans Sélestat avec un groupe qui fréquente l'Autre-Scène, fondée par Séverine et Fernando Deassis : théâtre et accueil des réfugiés (grâce à des logements neufs dans une magnifique bâtisse au dessus du piccolo, salle de répétition équipée son et lumière). Le site
http://l-autrescene.fr/
Juillet 98, Villeneuve en scène : la " trilogie de la dépendance, opus 1", une de mes premières concrétisation d'auteur à la scène avec la proposition de Marc Baylet-Delpérier, jouée pendant le temps du festival.
J'apparaissais sur scène avec des amis, Philippe Hérisson, Claire Engel et même la famille, puisque ma fille Violette y apparaissait avec les enfants de Marc. Une véritable expérience de troupe. Nous logions tous dans une villa du voisinage. Il y était question d'art et d'amour. Nous jouions dans ce très grand jardin où l'espace réservé aux spectateurs était minuscule au regard de la profondeur du terrain. Un grand souvenir. La foule n'était pas au rendez-vous, mais la fête oui, notre engagement collectif pour un poème.
La représentation se donnait en soirée. Un soir de 14 juillet, où nous avions décalé la représentation à 23 h pour cause de feu d'artifice, la police est entrée par le fond de scène en pleine représentation, à cause du bruit. Dans tous les spectacles de Marc, le volume était considérable. Je me revois m'expliquer avec les brigadiers juste avant de jouer, à la vue des spectateurs, qui ont dû croire à une apparition prévue par la mise en scène. Il faut dire qu'avec la distance et l'obscurité, l'événement a pu passer inaperçu. Mais pour nous c'était énorme. Un contrôle d'identité sur scène. Le spectacle ne s'est pas arrêté pour autant. Ce fut surréaliste.
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Stefan Le Courant
Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (lesc, umr 7186)
Maison Archéologie & Ethnologie – René Ginouvès
21, allée de l’Université
92023 Nanterre cedex
stefan.le‑courant@mae.u‑paris10.fr
Je trouve ce poème, du poète soudanais Hassan Yacine, au fil d'une lecture dont j'ai déjà parlé ici, " Entre accueil et rejet, ce que les villes font au migrant ".
Une pépite dans un endroit inattendu, un essai sociologique, entre deux chapitres. Malheureusement ce livre est manquant chez l'éditeur, quelques libraires l'ont, il faut bien chercher.
Michel Agier (BABELS) l'a publié dans la revue tumulte, téléchargeable à cette adresse
https://www.cairn.info/revue-tumultes-2018-2-page-125.htm
En voici une partie :
Je suis une malédiction
Je suis la malédiction incarnée
Suspendu à ma corde secrète
Attaché à l'utérus du ciel
J'entends les cris du vents et les pleurs aux alentours
Je parle aux fleurs autour de moi et j'admire le chant des murs
Ces murs de l'isolement infini
Et la peur mon amie secrète
Rien ne me donne le sentiment de sécurité
Vous les passants face à moi
Ne demandez pas la miséricorde en mon nom
Comme pour un pécheur en attente du pardon
Détournez le regard
N'ayez pas pitié de moi
Donnez-moi un sac noir
Pour que j'y rassemble ma désolation
Ma défaite et mon anéantissement
Pour pouvoir le mâcher et l'avaler
Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés
Je suis une charogne qui empuantit votre air
Jusqu'à vous faire détester vos corps élancés
Parfumés d'essences florales de Paris
Je vous inspire la haine de la race humaine
Mes semblables désarticulés
Ceux qui ont subi les horreurs de la guerre
Je suis une charogne où demeurent les vers
Je ne serai ni leur dernier rêve, ni leur dernière demeure
Ni ce qui reste de leur souvenir,
J'ignore le dernier jour de ma mort
Laissez-moi reprendre souffle
Fermer les yeux pour me retrouver au paradis
Je n'ai envie de rien
Rien ne me séduit plus
Même pas le baiser de l'enfant que j'aurais pu avoir
Ni la jouissance au moment de sa conception
Ni la pénétration d'une partie de moi
Dans les vagins, berceau de mes espoirs incertains
Priez pour que mon heure arrive vite
Le moindre regard vers moi ne vous inspire que dégoût
Laissez-moi quitter votre monde d'artifices
Où je n'existe pas
Je suis un anonyme sans identité, sans papiers
Un tas de détritus face à vos portes
Je m'abandonne entre vie et mort
Puisse Dieu me faire ange ou démon, qu'importe
Que ma mort soit subite
Si seulement les fleurs pouvaient pousser sur mon coeur
Parfumaient les poumons et ornaient les vers
Alors les battements de mon coeur partageraient la nostalgie du chant des cloches
Vos prières enveloppent ma peur
Mais je ne mérite pas le nom de corps
Parce que c'est mon cadavre pourri qui vous observe...
Des lieux de vie ouverts ou fermés, ou les deux à la fois, c'est-à-dire ni vraiment l'un, ni vraiment l'autre, ouvert en principe à tous mais dont l'usage ou l'accès sont contrôlés et impossible pour une certaine catégorie de la population (ce que Foucault a appelé la "gestion différentielle des flux"). Des zones interdites, des rues mal famées, des quartiers dangereux, des endroits douteux où l'on a parfois ses entrées, ses attirances. Des recoins, des passages secrets. Des présences insoupçonnées, un jardin caché, un habitat invisible. Arrière-cours, sous-sols, terrasses aériennes. Ainsi, dans cette géographie-là, intime ou secrète, le devenir clandestin est inscrit en chacun de nous, soit par désir de fuite, soit imposé par les conformismes de tous ordres.
L'usage du mot clandestin sonne souvent comme une condamnation morale, il laisse penser que la clandestinité relève de la délinquance. Travailleurs ou passagers "clandestins" nuisent au bon fonctionnement de notre société. Alors que la clandestinité des exilés est un statut qu'on leur inflige par la prohibition de la mobilité, du coup monopolisée par les criminels, et par les politiques de refus de séjour, qui les maintiennent à l'écart des droits.
Une ville n'est pas seulement une addition de lieux, c'est aussi un espace de vie que chacun s'approprie différemment. Selon son moyen de transport, selon son activité, selon sa place sociale, et selon l'agencement du désir ou de la contrainte.
Ce livre examine, comment à partir de 2015 et la création notamment d'Eurocities, réseau de villes-refuges, les villes ont été active dans l'accueil des exilés, tout en réinstituant le système européen (frontières, camps, "gestion" des flux) à l'échelle urbaine. Paris, Copenhague, Istambul.
Arrivée dans la ville vide
On viendra m'ouvrir la grille Nord
Entrée principale réservée au personnel
Toi tu prends l'entrée des artistes
Je peste (en silence)
C'est le cas de le dire
Le virus prend tout l'espace
Une chance que tu puisses encore franchir l'enceinte
Au travail
Petit matin de pluie
Strasbourg s'éveille
Un homme cherche un endroit
De vitrine en vitrine
Tu marches
Cherchant une sortie sous les paillettes
On n'a pas lésiné en régie sur les gouttes d'or
Qui tombent sur le toit de ta main