mercredi 17 février 2021

Ville et clandestinité




La belle maison d'éditions " Le Passager Clandestin " publient la collection Babels ou Bibliothèque des frontières. Elle est née lors de l'appel de Michel Agier (Agence Nationale de la Recherche) pour des projets autour de la " Ville-refuge", concept issu à la fois de la tradition hébraïque remis à l'honneur par Lévinas et Derrida et de l'expérience des villes-sanctuaires américaines). La première assemblée des villes-refuges s'est tenu à Strasbourg en 1997. C'est certainement un signe pour mon compagnonnage sur l'exil avec le TNS ! 


Mais qu'est-ce qu'une ville ?

 Des lieux de vie ouverts ou fermés, ou les deux à la fois, c'est-à-dire ni vraiment l'un, ni vraiment l'autre, ouvert en principe à tous mais dont l'usage ou l'accès sont contrôlés et impossible pour une certaine catégorie de la population (ce que Foucault a appelé la "gestion différentielle des flux"). Des zones interdites, des rues mal famées, des quartiers dangereux, des endroits douteux où l'on a parfois ses entrées, ses attirances. Des recoins, des passages secrets. Des présences insoupçonnées, un jardin caché, un habitat invisible. Arrière-cours, sous-sols, terrasses aériennes.  Ainsi, dans cette géographie-là, intime ou secrète, le devenir clandestin est inscrit en chacun de nous, soit par désir de fuite, soit imposé par les conformismes de tous ordres. 

L'usage du mot clandestin sonne souvent comme une condamnation morale, il laisse penser que la clandestinité relève de la délinquance. Travailleurs ou passagers "clandestins" nuisent au bon fonctionnement de notre société. Alors que la clandestinité des exilés est un statut qu'on leur inflige par la prohibition de la mobilité, du coup monopolisée par les criminels, et par les politiques de refus de séjour, qui les maintiennent à l'écart des droits. 

Une ville n'est pas seulement une addition de lieux, c'est aussi un espace de vie que chacun s'approprie différemment. Selon son moyen de transport, selon son activité, selon sa place sociale, et selon l'agencement du désir ou de la contrainte. 

Ce livre examine, comment à partir de 2015 et la création notamment d'Eurocities, réseau de villes-refuges, les villes ont été active dans l'accueil des exilés, tout en réinstituant le système européen (frontières, camps, "gestion" des flux) à l'échelle urbaine. Paris, Copenhague, Istambul. 

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