Stefan Le Courant
Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (lesc, umr 7186)
Maison Archéologie & Ethnologie – René Ginouvès
21, allée de l’Université
92023 Nanterre cedex
stefan.le‑courant@mae.u‑paris10.fr
Textes, notes et dessins de Marc-Emmanuel Soriano. Penser ici, émettre. Mes zones nerveuses : la construction du monde, l'affrontement des idées, les raisons d'espérer, le combat par l'intelligence, les vibrations de chair, la musique, l'écriture, la rencontre. Bribes de MA VIE intérieure et extérieure
Stefan Le Courant
Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (lesc, umr 7186)
Maison Archéologie & Ethnologie – René Ginouvès
21, allée de l’Université
92023 Nanterre cedex
stefan.le‑courant@mae.u‑paris10.fr
Je trouve ce poème, du poète soudanais Hassan Yacine, au fil d'une lecture dont j'ai déjà parlé ici, " Entre accueil et rejet, ce que les villes font au migrant ".
Une pépite dans un endroit inattendu, un essai sociologique, entre deux chapitres. Malheureusement ce livre est manquant chez l'éditeur, quelques libraires l'ont, il faut bien chercher.
Michel Agier (BABELS) l'a publié dans la revue tumulte, téléchargeable à cette adresse
https://www.cairn.info/revue-tumultes-2018-2-page-125.htm
En voici une partie :
Je suis une malédiction
Je suis la malédiction incarnée
Suspendu à ma corde secrète
Attaché à l'utérus du ciel
J'entends les cris du vents et les pleurs aux alentours
Je parle aux fleurs autour de moi et j'admire le chant des murs
Ces murs de l'isolement infini
Et la peur mon amie secrète
Rien ne me donne le sentiment de sécurité
Vous les passants face à moi
Ne demandez pas la miséricorde en mon nom
Comme pour un pécheur en attente du pardon
Détournez le regard
N'ayez pas pitié de moi
Donnez-moi un sac noir
Pour que j'y rassemble ma désolation
Ma défaite et mon anéantissement
Pour pouvoir le mâcher et l'avaler
Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés
Je suis une charogne qui empuantit votre air
Jusqu'à vous faire détester vos corps élancés
Parfumés d'essences florales de Paris
Je vous inspire la haine de la race humaine
Mes semblables désarticulés
Ceux qui ont subi les horreurs de la guerre
Je suis une charogne où demeurent les vers
Je ne serai ni leur dernier rêve, ni leur dernière demeure
Ni ce qui reste de leur souvenir,
J'ignore le dernier jour de ma mort
Laissez-moi reprendre souffle
Fermer les yeux pour me retrouver au paradis
Je n'ai envie de rien
Rien ne me séduit plus
Même pas le baiser de l'enfant que j'aurais pu avoir
Ni la jouissance au moment de sa conception
Ni la pénétration d'une partie de moi
Dans les vagins, berceau de mes espoirs incertains
Priez pour que mon heure arrive vite
Le moindre regard vers moi ne vous inspire que dégoût
Laissez-moi quitter votre monde d'artifices
Où je n'existe pas
Je suis un anonyme sans identité, sans papiers
Un tas de détritus face à vos portes
Je m'abandonne entre vie et mort
Puisse Dieu me faire ange ou démon, qu'importe
Que ma mort soit subite
Si seulement les fleurs pouvaient pousser sur mon coeur
Parfumaient les poumons et ornaient les vers
Alors les battements de mon coeur partageraient la nostalgie du chant des cloches
Vos prières enveloppent ma peur
Mais je ne mérite pas le nom de corps
Parce que c'est mon cadavre pourri qui vous observe...
Des lieux de vie ouverts ou fermés, ou les deux à la fois, c'est-à-dire ni vraiment l'un, ni vraiment l'autre, ouvert en principe à tous mais dont l'usage ou l'accès sont contrôlés et impossible pour une certaine catégorie de la population (ce que Foucault a appelé la "gestion différentielle des flux"). Des zones interdites, des rues mal famées, des quartiers dangereux, des endroits douteux où l'on a parfois ses entrées, ses attirances. Des recoins, des passages secrets. Des présences insoupçonnées, un jardin caché, un habitat invisible. Arrière-cours, sous-sols, terrasses aériennes. Ainsi, dans cette géographie-là, intime ou secrète, le devenir clandestin est inscrit en chacun de nous, soit par désir de fuite, soit imposé par les conformismes de tous ordres.
L'usage du mot clandestin sonne souvent comme une condamnation morale, il laisse penser que la clandestinité relève de la délinquance. Travailleurs ou passagers "clandestins" nuisent au bon fonctionnement de notre société. Alors que la clandestinité des exilés est un statut qu'on leur inflige par la prohibition de la mobilité, du coup monopolisée par les criminels, et par les politiques de refus de séjour, qui les maintiennent à l'écart des droits.
Une ville n'est pas seulement une addition de lieux, c'est aussi un espace de vie que chacun s'approprie différemment. Selon son moyen de transport, selon son activité, selon sa place sociale, et selon l'agencement du désir ou de la contrainte.
Ce livre examine, comment à partir de 2015 et la création notamment d'Eurocities, réseau de villes-refuges, les villes ont été active dans l'accueil des exilés, tout en réinstituant le système européen (frontières, camps, "gestion" des flux) à l'échelle urbaine. Paris, Copenhague, Istambul.
Arrivée dans la ville vide
On viendra m'ouvrir la grille Nord
Entrée principale réservée au personnel
Toi tu prends l'entrée des artistes
Je peste (en silence)
C'est le cas de le dire
Le virus prend tout l'espace
Une chance que tu puisses encore franchir l'enceinte
Au travail